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Dans le cadre de la réorganisation de LSC Engineering Group, les équipes SIG & Topo de Luxplan et Luxsense ont fusionné pour devenir Geodata. Les trois unités avaient en commun de collecter, traiter et gérer des données spatiales, mais avec différents outils, niveaux de précision et formats d’échange.
Comment est née la nouvelle division Geodata ?
Gilles Rock : Geodata est un terme technique qui se rapporte aux données spatiales, avec un volet géométrique qui concerne le mesurage via scanner 3D, levé topographique, drone ou autres, et un volet sémantique, qui concerne le contenu : est-ce que ce point représente un poteau, un bâtiment, un arbre ? Les trois équipes préexistantes ont la même mission qui est de collecter, traiter et mettre à disposition des données, mais chacune le faisait avec sa méthode : l’une plutôt à partir de photos aériennes, l’autre à partir de levés classiques. Le degré de précision diffère également, allant du millimètre pour les levés topographiques au centimètre pour les orthophotos.
Vous avez réuni les expertises des trois équipes pour créer le prototype d’une solution de suivi des chantiers en continu, appelée Instant-as-Built. Quelles conclusions tirez-vous de cette expérience ?
Sascha Rohner : Pour créer Instant-as-Built, il a fallu capturer les infrastructures lors de leur pose dans les tranchées avec un smartphone, affiné avec une petite antenne GPS. Ces images ont ensuite été traitées afin de générer un modèle 3D. Il est clair qu’une seule des trois équipes n’aurait pas pu le faire, parce qu’il aurait toujours manqué une facette. Nous avons eu besoin de toutes les expertises : celles des géomètres, des géomaticiens, des géographes et des ingénieurs. Chacun apporte son savoir-faire et sa vision, ce qui est enrichissant.
Quelles technologies utilisez-vous ? Et qu’est-ce ces technologies vous apportent ?
GR : Le développement technologique a été exponentiel ces 5 ou 10 dernières années, et la technologie nous permet de gagner en performance, en rapidité et en précision. Là où, par le passé, il nous fallait envoyer un géomètre sur le terrain pour prendre des mesures lorsque nous avions une incertitude, nous sommes aujourd’hui en mesure de scanner des millions de points. Nous disposons de tout le matériel nécessaire pour le faire, du plus simple au plus sophistiqué : théodolites, scanners 3D, drones, smartphones, tablettes, antennes GPS. Nous pouvons ainsi choisir la méthode la plus adaptée à chaque situation. Nous extrayons ensuite les données standards géométriques de la voierie, des poteaux, des tunnels, etc. Et si, après coup, nous avons encore besoin de connaître le diamètre d’un arbre ou la hauteur d’une haie, nous pouvons les trouver dans les données stockées.
Le temps passé sur site est ainsi minimisé, mais le temps au bureau augmente, et il faut investir en permanence dans la formation des utilisateurs, le matériel, les logiciels et l’amélioration des routines pour être en mesure de gérer cette masse importante de données. Le hardware est hors de notre zone d’influence, mais nous veillons à rester à la pointe de l’usage des outils disponibles et à exploiter pleinement leurs fonctionnalités. Les outils standards couvrent 80 % des besoins, mais nous allons plus loin en automatisant le traitement des données collectées sur site. Ces automatismes, mis en place par nos développeurs, représentent non pas des heures ou des jours, mais des mois de travail, d’allers-retours et de finitions pour que les données captées via un smartphone arrivent jusqu’à la plateforme à travers les serveurs dans la précision et la qualité souhaitées.
SR : J’ajouterais que les sujets traités sont très complexes et la quantité de données extrêmement importante, mais toutes nos solutions doivent rester maniables et faciles à utiliser pour nos clients. J’aime dire que celui qui peut poster une photo sur les réseaux sociaux est capable d’utiliser Instant-as-Built : il n’a qu’à prendre une vidéo avec son smartphone et la placer sur la plateforme où elle est traitée par les algorithmes que nous avons mis en place, ensuite il peut se déplacer dans le modèle 3D, prendre des mesures, rouvrir une tranchée virtuellement, visualiser comment les réseaux ont été posés et ce, de manière très ergonomique. Cet outil permet aussi de clarifier certaines situations et de rendre, au final, le chantier plus fluide. Le nuage de points et/ou la vidéo d’un tronçon garantissentune certaine précision des données : si 25 mètres de bordures sont mesurées, tous les intervenants sont d’accord que ce n’est pas 22 ou 30 mètres.
Il en va de même pour les levés par drones et pour les données spatiales communales (patrimoine, infrastructure, voirie, cimetières, forêt, etc.). Nous travaillons avec 62 des 100 communes luxembourgeoises à qui nous mettons à disposition la plateforme SIGcom. Le technicien communal y a directement accès aux données dont il a besoin : s’il veut analyser un réseau, par exemple, il peut le faire en quelques clics sans devoir télécharger un plan ou prendre les mesures. Cette plateforme fonctionne comme un géoportail qui contient les données spécifiques de la commune relevées et/ou intégrées par nos services : ses PAP et le PAG, ses infrastructures, ses panneaux routiers, ses arrêts de bus, ses cimetières, etc. Nous avons la chance d’avoir une grande équipe d’experts SIG au sein du groupe, ce qui nous permet aussi de développer des modules supplémentaires à la demande. Les smartphones et tablettes ne sont plus seulement des outils de consultation, mais ils sont devenus des outils de récolte de données sur le terrain : si le service jardinage a soigné un arbre, il peut le documenter sur la plateforme, il en va de même pour le service éclairage, qui a réparé un lampadaire. Toutes les informations sont ainsi accessibles, en temps réel.
En nous basant sur la réalité, nous pouvons créer les jumeaux numériques de communes et de projets de constructions les plus aboutis au Luxembourg. Ces jumeaux rassemblent l’existant et le projeté. Il est possible de jouer avec certains paramètres – ajouter un étage sur un bâtiment, par exemple – et d’y intégrer des données BIM. On peut y simuler une pluie torrentielle sur une commune avec plusieurs variantes – 100 mm, 200 mm, etc. – et en mesurer les conséquences, tester différentes mesures – pose d’une barrière, création d’un bassin de rétention – et voir l’impact des différents scénarios. Le jumeau numérique permet aussi de simuler l’ombre créée par différents éléments sur un bâtiment en fonction de l’heure de la journée ou encore d’évaluer dans quel rayon et de quels endroits un château d’eau est visible juste en appuyant sur un bouton. Il y a tellement de possibilités qui étaient encore dédiées à des experts il y a cinq ans et qui sont maintenant accessibles à tous !
En résumé, les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle sont devenues indispensables, mais l’intelligence humaine reste primordiale.
SR : Aujourd’hui, nous traitons des volumes de données si importants, qu’il est devenu impossible de les analyser « manuellement ». C’est la raison pour laquelle nous mettons en place des routines et nous utilisons l’intelligence artificielle pour extraire les données qui nous intéressent. Par exemple, pour connaître très rapidement combien de passages piétons, d’arbres publics, de ponts ou d’arrêts de bus compte une commune, il suffit de choisir la bonne méthode pour obtenir un set de données fiables à 80 %. L’intelligence artificielle est très performante pour analyser des données spatiales à partir d’images aériennes. Elle permet, par exemple, d’estimer les stocks de matériaux sur un chantier ou encore de dénombrer les arbres d’une forêt, de différencier les espèces, de mesurer chacun en diamètre et en hauteur, et de calculer le volume de bois total disponible. En revanche, pour arriver à une certaine qualité, une grande expérience dans le domaine des données et l’expertise d’une équipe interdisciplinaire est indispensable. Nous sommes ravis des possibilités qui viennent voir le jour avec toutes ces nouvelles technologies et nous sommes très contents de pouvoir répondre à toutes sortes de challenges dans le domaine des données spatiales avec la nouvelle équipe Geodata.
Extrait de l’article paru dans NEOmag.